L'évacuation du balcon se fait dans le désordre. Dans un des escaliers tournants qui mènent au rez-de-chaussée, les enfants s'empilent et 78 y trouvent la mort, agglutinés les uns sur les autres et étouffés, «soixante-dix-huit victimes de l'immoral Moloch moderne du plaisir: le cinéma», écrit le chanoine Adélard Harbour. Les jours suivants et en février, le service des incendies ferme plusieurs salles jugées non-sécuritaires parce que non conformes aux normes des bâtiments publics.
Le lendemain, les réactions sont vives dans l'ensemble de la société et dans toute la presse qui en fait d'énorme manchettes pendant plusieurs jours, avec même la liste de tous les enfants décédés. Le propriétaire de la salle, Amen Lawand, doit comparaître en cour ce même jour, mais le procès est fixé à une date ultérieure; à cause de l'enquête de la commission, il obtient un report; finalement, il semble qu'il ne fut jamais poursuivi à cause des conclusions du rapport Boyer.
Pendant la semaine suivante et jusqu'à l'automne suivant, le sujet semble inépuisable.
Même Le monde ouvrier, sous les plumes de R. Hachette, Julien Saint-Michel et Socius,
y va de longs et passionnés articles, presque seule voix discordante qui ne se gêne pas pour rappeler que les enfants de 15 ans peuvent travailler 10 heures par jour pour des salaires dérisoires dans des usines appartenant à ceux qui crient le plus fort pour leur interdire le cinéma. Le clergé catholique ramène immédiatement ses revendications pour l'abolition du cinéma le dimanche et pour l'interdiction de l'entrée dans les salles pour tous les moins de 16 ans. En février, le père Papin Archambault publie dans la collection L'œuvre des tracts sa brochure au titre resté célèbre: Parents chrétiens, sauvez vos enfants du cinéma meurtrier (le père Archambault avait déjà utilisé l'expression «cinéma meurtrier» dès 1921 dans un article de L'Action française, signé alors d'un de ses pseudonymes «Pierre Homier»).
Louis-Roméo Beaudry compose une complainte sur l'événement, interprétée par le chanteur populaire Hercule Lavoie: «Il fallait des anges au paradis, c'est votre enfant que le ciel a choisi…».
(de notre ami Charles-Henri Ramond) blog filmsquebec.over-blog.com